Escapade : action de s'échapper d'un lieu
Partir du Palais de Palenne peu après l'aube
se rendre à la gare de Pons (prononcer pon !)
aller en TER jusqu'à la gare de Bordeaux Saint Jean
et sauter dans le train Corail de 10 h 47 pour Nice
prévoir un ou deux (gros) romans — penser au retour —
Eva dort de Francesca Melandri pour l'une
1Q84 Livre 1 Avril - Juin de Haruki Murakami pour l'autre
oublier la page, de temps à autre, poser le regard au dehors
les bourgeons éclatent dans les vignes et les bosquets
avril libère toutes les naissances dans la nature
et les camaïeux de vert défilent sous nos yeux
depuis les riches coteaux de Guyenne jusqu'à Agen
jouer à cache cache avec les eaux vives de la Garonne
et suivre en parallèle les bords du canal du Midi…
Lecture en wagon
J'imagine deux voyageurs. Ils sont venus de loin, peut-être d'un autre continent.
Comme les indiens dans le compartiment voisin qui parlent sans arrêt au téléphone,
ou les jeunes Américaines. L'un des deux regarde l'Italie qui défile par la fenêtre à sa droite,
l'autre par celle qui est à sa gauche.
Ce sont deux mondes.
À la droite du train, le promontoire de Gaète pointe comme une tête mythologique de cétacé des eaux de la Méditerranée. Des plantations d'oliviers et d'agrumes, des champs jaunes, fuchsia et roux descendent en pente douce vers le scintillement de la mer.
Des couleurs d'abondance, généreuses, de vie plaisante.
À gauche en revanche, vers l'intérieur des terres, les montagnes défilent désolées et dures, farouches. Elles sont plus basses que nos glaciers, mais elles sont presque aussi intimidantes.
Les climats aussi sont différents. Dans la plaine et sur la mer brille la jeune lumière du printemps ;
à l'intérieur, les sommets sont au contraire enveloppés, de nuages sombres et lourds, engendrés, dirait-on, par les montagnes elles-mêmes.
Extrait de Eva dort de Francesca Melandri
D'un palais à l'autre
Carcassonne, Narbonne, Montpellier Saint Roch, Marseille Saint Charles
poursuivre vers Toulon, Draguignan les Arcs, Saint Raphaël Valescure,
à l'heure du goûter frugal, le massif boisé des Maures est dépassé
les rouges de l'Estérel se jettent dans les flots d'azur de la mer retrouvée
nos regards s'irisent sur les vagues de Cannes, Antibes, Cagnes-sur-Mer
et nous posons le pied sur les quais de la gare de Nice ville à 19 h 47…
Stéphane est là pour nous conduire jusqu'au Palais Falicon à deux pas de la gare… Lola nous y rejoint le lendemain…
Depuis le troisième étage d'où je domine le carrefour,
lorsque s'arrêtent ou s'élancent voitures et motocyclettes
je m'échappe vers l'horizon et les cimes qui déchiquettent
le ciel traversé par les hirondelles au-dessus des tours
… depuis le port de Nice, aller jusqu'à la gare de Eze sur Mer. De là, on peut rejoindre le village perché de Eze à pied par le sentier Friedrich Nietzsche. Paraît-il que c'est ici, sous les pins et les oliviers, que Nietzsche y a conçu la dernière partie de son œuvre Ainsi parlait Zarathoustra…
Et Zarathoustra courut sans s'arrêter et il ne trouva plus personne et ne cessait de se trouver lui-même et goûtait et aspirait sa solitude et pensait à de bonnes choses, — des heures durant. Mais vers l'heure de midi, comme le soleil était juste au-dessus de sa tête, Zarathoustra passa près d'un vieil arbre tout tordu et noueux, qui était tout enveloppé par l'amour abondant d'un cep de vigne et était ainsi caché à lui-même : il en pendait pour le voyageur des grappes, à foison. Alors il eut envie de guérir une petite soif et de cueillir une grappe ; mais comme il tendait déjà le bras, il eut encore envie de quelque chose de plus : à savoir s'étendre sous l'arbre, à l'heure de la plénitude de midi, et de dormir.
Départ de Nice à 10 h 27
Arrivée à Pons à 22 h 02
Lecture en wagon (suite)…
— Vous êtes amie avec les papillons ?
— Pour se lier d'amitié avec des papillons, il faut avant tout que vous deveniez vous-même une part de la nature. Bannir toute apparence humaine, demeurer parfaitement immobile comme si vous étiez un arbre, une plante ou une fleur. Cela vous demande du temps, mais une fois que votre partenaire vous aura accordé son consentement, vous deviendrez tout naturellement de bons amis.
— Est-ce que vous donnez des noms à vos papillons ? Vous savez comme à un chien ou à un chat.
— Non, je ne leur donne pas de noms. Mais je peux les distinguer tous, par leur taille ou leur forme. Et puis, à quoi bon, car sitôt leur aurais-je attribué un nom qu'ils auraient disparu. Ce sont juste des amis éphémères et anonymes. Je viens ici chaque jour, je retrouve mes papillons, je les salue et je leur parle de toutes sortes de choses. Mais quand leur temps est venu, les papillons disparaissent en silence. Je me dis qu'ils sont morts, mais j'ai beau chercher, jamais je ne retrouve leur dépouille. Ils ne laissent aucune trace, comme s'ils étaient aspirés dans l'air. Les papillons, ce sont vraiment les êtres vivants les plus élégants et les plus éphémères. Ils naissent on ne sait où, leur quête est paisible, très limitée, et ils disparaissent on ne sait où, imperceptiblement. Probablement dans un autre monde.
c'est sur tes bords où la mer sur les galets fait son bruit
que demain j'irai ; là, ta Promenade, ô Nice, me délivre
des va-et-vient d'en bas par delà les ombres de la nuit
me soulage des vains mots et m'offre la douceur de vivre
Eze : sur les pas de Nietzsche
… depuis le port de Nice, aller jusqu'à la gare de Eze sur Mer. De là, on peut rejoindre le village perché de Eze à pied par le sentier Friedrich Nietzsche. Paraît-il que c'est ici, sous les pins et les oliviers, que Nietzsche y a conçu la dernière partie de son œuvre Ainsi parlait Zarathoustra…
MIDI
Et Zarathoustra courut sans s'arrêter et il ne trouva plus personne et ne cessait de se trouver lui-même et goûtait et aspirait sa solitude et pensait à de bonnes choses, — des heures durant. Mais vers l'heure de midi, comme le soleil était juste au-dessus de sa tête, Zarathoustra passa près d'un vieil arbre tout tordu et noueux, qui était tout enveloppé par l'amour abondant d'un cep de vigne et était ainsi caché à lui-même : il en pendait pour le voyageur des grappes, à foison. Alors il eut envie de guérir une petite soif et de cueillir une grappe ; mais comme il tendait déjà le bras, il eut encore envie de quelque chose de plus : à savoir s'étendre sous l'arbre, à l'heure de la plénitude de midi, et de dormir.
Extrait de Ainsi parlait Zarathoustra de Frédéric Nietzsche
Retour en Haute Saintonge
Arrivée à Pons à 22 h 02
Lecture en wagon (suite)…
— Vous êtes amie avec les papillons ?
— Pour se lier d'amitié avec des papillons, il faut avant tout que vous deveniez vous-même une part de la nature. Bannir toute apparence humaine, demeurer parfaitement immobile comme si vous étiez un arbre, une plante ou une fleur. Cela vous demande du temps, mais une fois que votre partenaire vous aura accordé son consentement, vous deviendrez tout naturellement de bons amis.
— Est-ce que vous donnez des noms à vos papillons ? Vous savez comme à un chien ou à un chat.
— Non, je ne leur donne pas de noms. Mais je peux les distinguer tous, par leur taille ou leur forme. Et puis, à quoi bon, car sitôt leur aurais-je attribué un nom qu'ils auraient disparu. Ce sont juste des amis éphémères et anonymes. Je viens ici chaque jour, je retrouve mes papillons, je les salue et je leur parle de toutes sortes de choses. Mais quand leur temps est venu, les papillons disparaissent en silence. Je me dis qu'ils sont morts, mais j'ai beau chercher, jamais je ne retrouve leur dépouille. Ils ne laissent aucune trace, comme s'ils étaient aspirés dans l'air. Les papillons, ce sont vraiment les êtres vivants les plus élégants et les plus éphémères. Ils naissent on ne sait où, leur quête est paisible, très limitée, et ils disparaissent on ne sait où, imperceptiblement. Probablement dans un autre monde.
Extrait de 1Q84 LIVRE 1 Avril - Juin de Haruki Murakami