Le phare des Sanguinaires
(…) quand j’habitais
le phare des Sanguinaires, là-bas, sur la côte corse, à l’entrée du golfe d’Ajaccio.
Figurez-vous
une île rougeâtre et d’aspect farouche ; le phare à une pointe, à l’autre
une vieille tour génoise… En bas, au bord de
l’eau, un lazaret en ruine, envahi de partout par les herbes ; puis, des
ravins, des maquis, de grandes roches, quelques chèvres sauvages, de petits
chevaux corses gambadant la crinière au vent…
Voilà l’île des Sanguinaires. C’était dans cette île enchantée qu’avant d’avoir
un moulin j’allais m’enfermer quelquefois, lorsque j’avais besoin de grand air
et de solitude…
Alphonse Daudet
Lettres de mon moulin
Le lendemain de Noël, il nous faut quitter Piana, le pourpre de ses calanques… Courte halte à Cargèse, pique-nique aux îles Sanguinaires (photo 1). Nous sommes aux jours les plus courts, et nous saluons trop vite Propriano et Sartène. Le couchant nous attend au Lion de Roccapina (photo 2), le temps de déguster une Pietra ambrée, la bière corse à la châtaigne…
Au crépuscule, nous arrivons aux portes de Bonifacio, dans Ma Maisonnette, accueillis chaleureusement par Angèle et Jean-Paul. Nous voici, pour la dernière semaine de l'année 2016, immergés dans le maquis corse… Les sentiers de randonnées sont tout proches…
Dès le lendemain, sac à dos, dans une magnifique lumière, nous partons en direction de Bunifaziu…
Aux grottes de Bonifacio
La mer taurine venait
à grandes eaux de mousse
râper l' orgueil nacré des murailles
et les trains des cycloïdes ressemblaient puissamment,
appesantis par leurs têtes closes,
aux rochers d'incomptables Sisyphes,
nous avions Ulysse à notre bord.
À Bonifacio les cornes ivres de la mer
jettent des thyrses sur mon thrène,
lavent pleurs et remords,
et bousculent de leurs perles
les bulles dérisoires de mon deuil.
Brute ronde aux cheveux de soleil !
Extrait de Sur une plus haute tour.
Maison Rhodanienne de Poésie 1997
par G. Mantion
Sur les sentiers côtiers…
Bien sûr, nous apprécions ce miracle naturel et humain qu'est Bonifacio ! Comme une pierre précieuse, un bijou brut sublimé par l'homme au fil des siècles, qui en fait l'une des plus belles villes qu'offre la Corse au visiteur ébahi ; ici, l'île de granit, gris ou rose, cède la place à la blancheur éblouissante du calcaire (dixit Le Routard).
Hors saison : déambuler dans des rues désertes, sous un doux soleil d'hiver, entre le cimetière marin et l'église Sainte-Marie-Majeure, longer les falaises sur le sentier entre le sémaphore et le phare de
Capo Pertusatu, voguer sur un bateau presque vide au plus près des grottes et de l'escalier du Roy Aragon…
Mais notre vrai bonheur nous le goûtons, au départ de Ma Maisonnette, sur les sentiers de Strada Vecia et Madonetta, sur les plages Fazzio et de Paragan (photo 5) où je peux me baigner — en évitant les oursins — dans une eau turquoise presque tiède !
Ou encore, en montant à l'Ermitage de la Trinité, parmi les chênes verts et les oliviers, d'où le panorama est absolument superbe (photo 6). Paix et bel échange à l'oratoire N-D de Tibhirine…
Dernières heures de 2016… Quelques pas sur la plage de la Tunarra déserte (photo 7) ! Nous sommes loin, très loin de la foule estivale, des serpentins de voitures à l'assaut des pentes de la citadelle, des parkings inondés d'acier surchauffé aux abords des plages, en haute saison…
Partir en Corse en hiver, était un pari ! Le pari de découvrir les beautés du sud de l'île à notre rythme, doucement, sans bousculade, tout en étirant le temps alors que les jours sont encore courts mais annoncent le renouveau par touches légères au couchant…
Une suite est prévue à l'automne du côté de la Castagniccia…