À travers temps et fleuve…
Envol…
Le voyage… le printemps revenu…
La terre se sent
pousser des ailes
L’hirondelle course son fil au creux de l’azur, son
fil au désir dédié
Moi qui ai oublié ses visites…
Jadis jeune tel un animal tourneboulé par ses
hormones capricantes
Ô vent ô air
Purifiez-moi de toute tendresse envers le passé et
les mansardes
Je n’aime pas la poussière, j’en viens…
Recommandez-moi à l’azur, et je dirai son poème, sur
la soie, sur l’estime
Dont le parfum révèle au siècle son tribut
d’apesanteur…
Dites mon bonheur à l’oiseau
Dites-le-lui par une fugue
Longue belle zéphyrienne…
Nimrod
Écoute
plus souvent
Les Choses que les Êtres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Écoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots :
C’est le Souffle des ancêtres.
Ceux qui sont morts
ne sont
jamais partis :
Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire
Et dans l’ombre qui s’épaissit.
Les Morts ne sont pas sous la Terre :
Ils sont dans l’Arbre qui frémit,
Ils sont dans le Bois qui gémit,
Ils sont dans l’Eau qui coule,
Ils sont dans l’Eau qui dort,
Ils sont dans la Case,
ils sont dans la Foule :
Les Morts ne sont pas morts.
Écoute
plus souvent
Les Choses que les Êtres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Écoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots,
C’est le Souffle des Ancêtres.
Birago Diop
Ma parole prend corps, lovée
sur une barque au coin de la lune…
Sur les berges du Chari…
L’hippopotame, les Grecs
l’appelaient cheval du fleuve.
Quand j’étais môme, les vaches,
leurs sœurs lointaines, traversaient, craintives, le Chari.
Mon jeune regard mesurait la soie
de leur robe au débit du fleuve.
De bord à bord, j’étais dépassé.
L’infini nageait à leur encolure.
Quel mot plus doux que celui-là,
qui exporte son âme dans ce corps à la dérive ?
Nageuses pleines d’angoisse,
profileuses des courants qui accusent déjà le lac Tchad, elles flottent,
stupéfaites.
Elles ont inventé un bac plus que
probatoire.
Là, c’est un pélican très pur très blanc au fil de l’eau plutôt
grise
Il est si obstiné l’espoir le
petit chose à mes petits yeux qui convertissent l’océan de roseaux la plaine et l’horizon à la pointe
de la presqu’île de Ngoumna…
C'est la traversée des apparences…
Le
chant des rameurs
Un soir j'ai demandé
aux
jacassants Corbeaux
Où allait l'âpre Chant,
le doux Chant des Bozos ;
Ils m'ont dit
que le Vent messager infidèle
Le déposait tout près
dans les rides de l'Eau,
Mais que l'Eau
désirant demeurer toujours belle
Efface à chaque instant
les replis de sa peau.
Un soir j'ai demandé
aux complaisants Roseaux
Où allait l'âpre Chant,
le doux Chant des Bozos.
Ils m'ont dit
que le Vent messager infidèle
Le confiait là-haut à un petit Oiseau ;
Mais que l'Oiseau fuyant
dans un furtif coup d'ailes
L'oubliait quelquefois
dans le ciel indigo.
Et depuis je comprends
Écoutant la Clameur
D'où venait l'âpre Chant
Le doux chant des Rameurs…
Birago Diop
Kia
Disent Kia les Samo pour sonner l’hallali, disait Kia Ki-Zerbo pour convier à la lutte. Kia les bêtes sont là ! Kia les eaux débordent ! Kia kia kia ! Kia kia kia ! Mot d’appel, mot d’entrain. Kia kia kia ! Sus aux nuits ! Sifflent les ophidiens suceurs de nos ardeurs, feulent les félidés ruineurs de nos ressources. Glapissent les rapaces causeurs de nos soucis, grognent les pachydermes broyeurs de nos espoirs. Beuglent les bovidés harasseurs de nos crans, braillent les batraciens entacheurs de nos rires. Hurlent les canidés égorgeurs de nos joies, ricanent les charognards abîmeurs de nos paix. Kia les bêtes sont là ! Kia les eaux débordent ! Kia kia kia ! Kia kia kia ! Mot de feu, mot de pierre. Kia Kia Kia ! Sus aux peurs ! Disons Kia pour briser les chaînes de nos misères, disons Kia pour aller à l’assaut de nos rêves.
Kouam Tawa