Maria en sépia
Je la revois sur
une photo à peine jaunie, vous savez, ces photos anciennes entourées de dents
irrégulières, ces photos rangées dans des boîtes à chaussures ou des boîtes à
biscuits en fer blanc. Quand je la fixe sur la photo sépia, je
l’entends fredonner, je la revois au jardin, au lavoir, aux fourneaux. Maria
aimait la vie. Maria aimait la terre. Maria aimait se taire.
Je la revois
retourner la fumure dans son jardin, biner les poireaux, ramasser les
groseilles, arroser les salades,
couper l’herbe fraiche à la serpette pour nourrir les lapins, jeter les graines
de maïs aux poules. Je la revois remplir le panier d’osier d’œufs frais puis revenir dans la cuisine fredonnant un air de Trenet, des marguerites ou deux
brins de muguet à la main…
Je la revois, chaque lundi, partir au lavoir, au lever du jour, pousser sa brouette lourde d’une grosse
bassine de linge, d’un grand seau métallique et d’un énorme savon de Marseille.
Je la revois s'élancer par tous les temps, en toutes saisons, tête nue, silhouette
grise dans le soleil ou le brouillard, aller sur la route noire. J’entends encore râler les gravillons sous le fer impitoyable de la roue…
Je la revois s’affairer derrière sa fenêtre, sans bruit, entre l’évier et le fourneau.
J’aimais l’observer tel l’homme invisible, le nez dans les géraniums rouges, retenant mon souffle pour de pas laisser de nuage sur la vitre. Je la revois
préparer le lapin au sang et au vin, j’entends les sons lourds de la lame
s’abattre sur le bois, débiter la bête allongée près de la marmite…
Je la revois la photo sépia de Maria. Je la revois bien cette photo glissée un jour entre deux pages de Pour qui sonne le glas. Longtemps l’image sépia de Maria m’a servi de marque page quand j’étais étudiant. Tout en lisant, j’aimais glisser le bout de l’index sur les dents de papier dur et brillant puis la faire disparaître brusquement au milieu du roman tout en imaginant qu’elle allait resurgir dans la lumière… Très vite un jeu s'est installé entre elle et moi, un jeu aux parfums de l'enfance, une sorte de rituel ; je savais qu'à tout moment en ouvrant le livre, je pouvais retrouver Maria, la voir me sourire, nous préparer des pommes au four à la cannelle, me servir un lait chaud au caramel l'hiver au retour de l'école, partir au marché, à la messe, remonter la pendule, monter au grenier ou s'en aller au jardin… Jusqu’au jour où je l’ai perdue.
Je la revois la photo sépia de Maria. Je la revois bien cette photo glissée un jour entre deux pages de Pour qui sonne le glas. Longtemps l’image sépia de Maria m’a servi de marque page quand j’étais étudiant. Tout en lisant, j’aimais glisser le bout de l’index sur les dents de papier dur et brillant puis la faire disparaître brusquement au milieu du roman tout en imaginant qu’elle allait resurgir dans la lumière… Très vite un jeu s'est installé entre elle et moi, un jeu aux parfums de l'enfance, une sorte de rituel ; je savais qu'à tout moment en ouvrant le livre, je pouvais retrouver Maria, la voir me sourire, nous préparer des pommes au four à la cannelle, me servir un lait chaud au caramel l'hiver au retour de l'école, partir au marché, à la messe, remonter la pendule, monter au grenier ou s'en aller au jardin… Jusqu’au jour où je l’ai perdue.
JeanPaul
coLomb
30 avril 2014
30 avril 2014
Tu as perdu la photo et cela ne t'a pas donné envie de partir à la rencontre de Maria ? Allez JP, un effort...
RépondreSupprimerPAULO ! QUEL BEAU RETOUR A FRAISSES........... BRAVO GRAND FRERE ! BELLE ECRITURE ET LE BOUQUET DE THYM ET DE LAURIER DU CIVET EN PLUS ! RAYMOND. JE VOUS EMBRASSE, BONNE NUIT !
RépondreSupprimerRaymond d'Alès