samedi 11 janvier 2014

Guadeloupe (13) : Marie-Galante (6) ; variations

MARIE GALANTE

Est-ce ivresse déjà que vos rhums m'ont versée,
ou si c'est la magie du pays retrouvé ?
voici gronder en moi, sourdement, sourdement,
tous les volcans de mon passé,
et voici s'épanouir, pâles fleurs explosant parmi la paix du soir,
tous les fantômes qui furent moi.

C'est ici qu'une erreur guida leur caravelle,
et que beaucoup moururent sous les mancenilliers
d'avoir voulu goûter à la douceur des fruits.
L'or qu'ils venaient chercher, ils ne l'ont point trouvé.
Mais moi je suis venu pour faire pousser de l'or,
je ne me rappelle plus d'où.
un jour, je suis venu pour faire pousser de l'or,
je ne me rappelle plus quand.

Si je riais en ce temps là ?
Ô ces yeux que dans l'ombre allumait le tafia !
Ô nos muscles, le soir, retrouvant leur vigueur !
les soucougnans glissaient dans le coeur de la nuit.
Des incendies punch flambaient,
réchauffant le sang vert des mares endormies.

En ce temps-là, qui fut le temps de la violence,
les aubes se lavaient dans des ciels de nausée.

Depuis vint la douceur, depuis vint la rosée.
Mais si fugaces, hélas, et de quel prix payées !
Ô soeur de mon printemps, te souvient-il de mon départ ?
de ces wagons bruyants et taciturnes
que hantait l'odeur fade de nos morts en sursis et du vin répandu ?
Te souvient-il
des aveux mensongers de ta frêle romance ?
Le refrain s'est brisé dans le fracas des bombes.
Seuls dans les ténèbres où tout s'est écroulé,
et perles dénouées jetées à quels pourceaux ?
Seuls scintillent à vif
                  les éclats de ton rire
                                     d'or natif.

L'homme alors m'approcha, et son parler fut bref :
Dépose là ta race, ton passé, ton pays ;
et ne fais pas musique
                    de la souffrance humaine,
                                                   camarade.

En diamant de feu, pour le plaisir des yeux,
                    n'aiguise pas l'injustice,
                                                   camarade.


La foudre de ces mots dans mes poings fermés
vers nos frères méconnus par l'Europe sereine,
un jour je suis parti.

Sur l'écorce ridée des idoles barbues
mon marteau s'est brisé ;
et ma faucille s'est usée
sur les silex moussus des préjugés du sang.

Me voici nu, revenu
sur le sol nu
où plongent les racines de mes plantes anciennes ;
et dans ma tête chevelue
s"éveille le ramage des images feuillues ;
et sur l'azur menteur de la mer caraïbe
voici monter vers moi
la puissante marée
des souvenirs qu'on ne tue pas.

Guy Tirolien
      Balles d'or       
Guy Tirolien, né en Gudeloupe, se définit comme un poète afro antillais

Marie-Galante nous a ravis dès notre arrivée ;
une semaine durant, nous l'avons respirée, contemplée ;
elle nous a accueillis sans retenue et nous repartons
avec le sourire de ces îliens généreux et lucides
nichés au coeur de nos souvenirs antillais...

Notre séjour a été embelli par l'accueil de nos hôtes : Habitation Bioche à Saint-Louis 

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