dimanche 31 mai 2015

Escapade en Périgord Vert : Brantôme


Venise de verdure et d'eau douce

Brantôme a, de tout temps, ensorcelé l'homme, visiteur ou habitant, d'un envoûtement particulier.  D'où provient donc ton charme ?  D'un mariage heureux de l'homme et du rocher...  Vous aimerez aussi, les soirs d'été, quand les illuminations font surgir de la nuit, en un tableau inoubliable et presque irréel, ces vieilles pierres enchâssées de verdures se mirant dans les eaux, vous arrêter un peu, et, du bruit du monde qui s'estompe au chant seul de l'eau qui suit sa course éternelle, vous élever vers ce clocher vainqueur des siècles qui, là-haut, au-dessus des bois enténébrés, montre le ciel tout constellé d'étoiles...

Jean SECRET, Brantôme en Périgord. Éditions du  Périgord Noir, 1962.

Sur les rives de la Dronne

Brantosme espouse de la Dronne,
Dronne qui, l’enserrant entre ses doubles eaux,
Ou plustôt l’accolant avec ses bras jumeaux
De ses moites chaleurs autre guerdon n’emporte
Qu’un baiser desrobé, sans entrer en la porte,
Et que presqu’à l’instant prendre congé lui fault,
Qui est-ce qu’au départ la fait crier si hault.

Antoine LOiSEL, avocat général de la Chambre de justice  (de passage à Brantôme en 1580)
Au Château de la Borie Saulnier

En pleine nature, au cœur du Périgord Vert,
un vrai château avec cour intérieure
et tourelles à clochetons pointus…
C’est là que Claude nous a accueillis
dans la lumière dorée du couchant,
puis guidés vers la Chambre Verte…
Avec Michel, depuis des années
ils donnent sans compter, vie et couleurs
à ce cadre d’une parfaite quiétude…

Randonnées légères en pays vert

Bien me plaît le temps radieux
quoique parfois nuageux
quand vois les feuilles et fleurs venir

Me plaît d'ouïr le bruit  joyeux
des oiseaux qui font retentir
leur chant par le bocage
et me plaît de voir la fougère
neuve et fraîche à croquer…

Me plaisent nos pieds poudreux
de La Pauvre Terre à La Garenne
aujourd'hui simple chemin rural

Me plaisent les fantômes de troupeaux
au pied des remparts effondrés
tout à l'entour clos de fossés
où murmure une fontaine de beauté…
D'après Le Printemps de Bertran de Born (XIIe siècle)

dimanche 17 mai 2015

L'anniversaire des Princesses















Abigail du haut ses trois ans
accueille sa MamyLou
de retour de la ville éternelle

elles chantent, elles rient
se racontent des histoires…
au début de l'après-midi

devant un tiramisu aux fraises
et ses bougies multicolores,
Philémon, le grand garçon

à leur joie se met à l'unisson
pour entonner et chanter
joyeux anniversaires
joyeux anniversaires
joyeux anniversaires…

samedi 16 mai 2015

Rome (7) : Le Vatican





Tout n'est pas laid à l'intérieur de Saint-Pierre ; on y trouve même des œuvres fort belles : la Pietà du jeune Michel-Ange, les tombeaux de papes par Bernin, surtout les deux anges en demi-relief, de Canova, qui ornent le tombeau des Stuarts, figures si parfaites, dans leur élégance rêveuse, que tout le reste à côté paraît redondant et grossier. C'est auprès de ce tombeau, disait Stendhal, qu'il faut venir « essayer si l'on tient du hasard un cœur fait pour sentir la sculpture ».






Le cœur se soulève devant la pompe, le luxe, les dimensions gigantesques, la hauteur écrasante, l'arrogance despotique d'une basilique faite pour affirmer le pouvoir de l'Église et l'impérialisme d'une religion aussi parjure que l'autocratie stalinienne à l'idéal communiste.


Dominique Fernandez in ROME Éditions Philippe Rey 2004
Les palais du Vatican renferment ce que le monde entier connaît : la chapelle Sixtine de Michel-Ange et les chambres de Raphaël. 

Peintes entre 1508 et 1511, les fresques de Raphaël sont des allégories des idéaux humains : philosophie, poésie, justice.

L'École d'Athènes (détail ci-contre) illustre la vérité acquise grâce à la raison et montre les grands penseurs classiques. Aristote et Platon — ce dernier sous les traits de Léonard de Vinci — dominent la scène. On reconnaît encore Socrate, Diogène, Épicure, Pythagore, Héraclite (avec le visage de Michel-Ange qui travaillait alors à la chapelle Sixtine), Euclide… À droite, contre la colonne, l'homme au béret noir… c'est Raphaël lui-même !


Les photos sont strictement interdites dans la chapelle Sixtine ! Une petite anecdote dont le Routard est friand :
Cachez ces sexes… Si le Jugement dernier suscita beaucoup l'admiration, il y eut beaucoup d'indignation face à la nudité des personnages. Le pape Paul IV, très incommodé, demanda à Michel-Ange de voiler les sexes, ce que l'artiste refusa. Un moment, on envisagea même la destruction du mur de l'autel. Mais il fallut attendre la mort de Michel-Ange pour que l'on demande à un élève du maître de recouvrir le sobjets du délit. L'heureux élu y gagna le surnom de Braghetonne (le Grand Culottier !). Lors de la récente restauration, on a dévoilé certains sexes. C'est Michel-Ange qui doit rigoler là-haut…

Ci-contre l'escalier monumental (dit de Bramante) à double hélice…           http://www.photovoyage.org/rome/vatican-escalier-bramante.php

Notre Nido degli Angeli étant situé tout près de la cité du Vatican, nos pas nous ont conduits souvent vers la piazza San Pietro et la via della Conciliazone pour aller vers le centre de Rome ou en revenir… Arrivederci Roma !

vendredi 8 mai 2015

Rome (6) : Rome insolite

Le Testaccio
C'est au retour de la visite de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, en direction du Testaccio, que nous avons découvert la Rome hors des sentiers battus.

Nous traversons des lieux sans touristes, où l'on sent qu'il existe encore une vie de quartier, des lieux vivants avec des places pleines de mômes chahuteurs, des façades très colorées, des murs couverts d'affiches, de graffitis politiques… On y retrouve un peu de Journal intime (Caro Diaro) de Nanni Moretti, de 1994, dont les premières scènes ont été tournées à la Garbatella toute proche…
Le Monte Testaccio ? Un monticule (une sorte de huitième colline de Rome !), haut de 54 m dû à l'accumulation de débris d'amphores contenant les produits importés dans le port d'Ostie. Le nom du quartier provient de ce lieu : le mons Testaceus (la colline des Tessons)…
Autrefois, le jeunesse romaine y venait assister à un spectacle étonnant : des cochons étaient lâchés du haut du monticule qu'ils dévalaient à toute allure… avant d'être pourchassés par des cavaliers arborant les couleurs de leurs quartiers et qui, munis de lances, se les disputaient. Ces jeux romains sont peut-être à l'origine de la cuisine locale à base d'abats.
Nous avons goûté les tripes à la romaine ! Un pur délice avec des arômes de menthe !

Centrale Montemartini 
Un lieu étonnant : dans cette ancienne centrale électrique construite en 1912 pour éclairer la Ville éternelle, sont exposées les pièces antiques en surnombre des musées du Capitole ainsi que celles découvertes lors des travaux du métro…
Les turbines à charbon et les tuyauteries mettent magnifi-quement en valeur les chairs des marbres et les courbes des statues. Les contrastes sont saisissants : atmosphère des Temps modernes de Chaplin où se côtoient Aphrodite, Apollon, Bacchus, Diane chasseresse… 

jeudi 7 mai 2015

Rome (5) : Rome la nuit...


Ce soir là, nous prenons la ligne A du métro romain jusqu'à la station Colosseo. Voici quelques traces de notre traversée nocturne de la Ville éternelle…

Le Colisée : Sur la portion ruinée, la lune verse une lumière si vive qu'on démêle la teinte rougeâtre des pierres. Dans ce ciel limpide, la rondeur du cirque devient sensible ; il forme une sorte d'être complet et formidable. Taine

Goethe aussi recommandait d'aller voir le monument sous la lune. À son époque, les mendiants nichaient sous les voûtes délabrées, ils y faisaient du feu : Peu à peu la fumée traversa les parois, les interstices et les ouvertures, et la lune l'éclaira comme un brouillard. Le spectacle était exquis. 


La colonne Trajane : haute de 30 m et constituée de 29 tambours decylindriques en marbre de Carare.

Ses magnifiques bas-reliefs en spirale composent une bande de 200 m de long. Elle retrace les campagnes militaires de l'empereur contre les Daces (Dacia étant l'ancien nom de la Roumanie) et compte près de 2 600 personnages.

Aujoud'hui, à son sommet, saint Pierre (le regard tourné vers le Vatican) remplace la statue en bronze de Trajan… 
Le Panthéon : intact est resté le Panthéon, sur une charmante petite place, au centre de Rome. Rien sans doute n'est plus parfait à Rome que ce temple circulaire où l'oculus percé au centre de la coupole diffuse une lumière de crépuscule.

Stendhal a défini une fois pour toutes la singularité de ce lieu. Le Panthéon a ce grand avantage : deux instants suffisent pour être pénétré de sa beauté. On s'arrête devant le portique ; on fait quelques pas, on voit l'église, et tout est fini. Ce que je viens de dire suffit à l'étranger ; il n'a pas besoin d'autre explication, il sera ravi en proportion de la sensibilité que le ciel lui a donné pour les beaux-arts. Je crois n'avoir jamais rencontré d'être absolument sans émotion à la vue du Panthéon… N'est-ce pas là le sublime ? 

La Piazza Navona et la fontaine des Quatre Fleuves : chef-d'œuvre du Bernin. Les statues géantes symbolisent les quatre grands fleuves du monde : le Nil, le Gange, le Danube et le Rio de la Plata. Chaque statue représente également l'un des quatre continents connus à l'époque.

Le Danube soutient les armoiries pontificales d'Innocent X, avec un pigeon tenant une branche d'olivier dans son bec.

Le visage de la statue figurant le Nil est couverte par un tissu : à ce moment là, la source du fleuve n'a pas été encore découverte…

Le quartier du campo dei Fiori : de jour comme de nuit, nous aimons beaucoup ce quartier. Ce qu'il y a de plus beau et caractéristique est resté intact : le labyrinthe de veilles rues entre le Panthéon et la via Giulia… La phrase de Dominique Fernandez dans ROME, superbe ouvrage, résonnait en nous avant de découvrir le marché sur l'ancien champ de fleurs.

Rue étroite, comme hors du temps, pas de voitures, un marchand de fleurs ambulant, des façades aux couleurs de Rome — l'ocre, le rouge, le terre de Sienne — la maison de Raphaël… et la piazza Farnese où trônent deux énormes et magnifiques vasques antiques provenant des thermes de Caracalla, et reconverties en fontaines.














Dans le métro romain,

sur la ligne A

entre Ottaviano San Pietro

et Colosseo,

ce soir là…


mercredi 6 mai 2015

Rome (4) : du Panthéon à la galerie Borghèse




Le Panthéon, monument romain le mieux conservé au monde, est toujours aussi beau, impressionnant, et nos pas nous y emmènent souvent…

Une seule porte nous permet d'entrer dans l'immense édifice où nous sommes happés par la lumière tombée de l'oculus.

Ouverture voulue par Hadrien afin de faciliter la communion des fidèles avec les dieux…
C'est dans l'église Saint-Louis des Français que nous admirons trois œuvres remarquables du Caravage. La Vocation de saint Matthieu (photo ci-contre) : Michelangelo Merisi, né à Caravaggio, s'est probablement représenté par le personnage de face sur lequel un jeune homme s'appuie.

Rome, 1600. Un jeune peintre inconnu débarque dans la capitale et, en quelques tableaux d'une puissance et d'un érotisme inouïs, révolutionne la peinture. Réalisme, cruauté, clair-obscur : il bouscule trois cents ans de tradition artistique. Il devient, sous le pseudonyme de Caravage, le peintre officiel de l'Église. Mais voilà : c'est un marginal-né, un violent, un asocial…              Dominique Fernandez in La course à l'abîme


Coup de cœur à la galerie Borghèse ! Apollon et Daphné illustre parfaitement le génie de celui qui allait s'imposer comme le plus grand sculp-teur baroque : Gian Lorenzo Bernini, dit Le Bernin.

Pour échapper à un Apollon ensorcelé par sa beauté, Daphné se transforme pro-gressivement en laurier (daphné en grec). La doulou-reuse métamorphose végétale de la déesse est saisissant ; bouleversant spectacle que cet amour impossible…

Plus loin surgit le Rapt de Proserpine du… Bernin. Quelle force, quelle sensualité ! La perfection !
La galerie Borghèse compte parmi les plus beaux musées de collection privée. Les œuvres d'art sont exposées plus ou moins comme elles l'étaient à l'origine (1613), à l'époque du cardinal Scipion Borghèse ; aussi nous avons l'impression d'être invités chez les Borghèse.

Neveu du pape Paul V, Scipion Borghèse consacra plus de 25 ans de sa vie à rassembler l'une des plus importantes collections d'œuvres d'art d'Italie, voire du monde. Il prit sous son aile le Bernin, le Caravage (six tableaux à la galerie), Rubens… achetant parfois pour une bouchée de pain des œuvres dont personne ne voulait.

Pauline Borghèse : celle par qui le scandale arriva. Antonio Canova (1757-1822), le plus renommé des sculpteurs néoclassiques (l'auteur des deux anges en demi-relief, voir Rome 7 le Vatican), réalisa la statue de la soeur de Napoléon, Pauline, en 1805. Allongée sur un divan, la jeune femme est repré-sentée à demi-nue sous les traits de Vénus.

Cette pièce à la charge érotique fut commandée à l'artiste par Pauline elle-même. Réputée pour sa beauté et son libertinage, elle avait épousé le prince Camille Borghèse. Dès son inauguration, cette Vénus fit scandale. Comment une personne de son rang avait-elle pu poser nue ? « Il y avait un poêle dans l'atelier », ré-pondit-elle.

mardi 5 mai 2015

Rome (3) : Rome hors les murs

La via Appia Antica

Rome, comme la plupart des cités anciennes, était une cité fortifiée. La muraille aurélienne est restée quasiment en l'état et les voitures continuent de passer sous la plupart de ses 18 portes ; aussi l'expression fuori le mura (hors les murs) revêt toujours une réalité très concrète pour les Romains.

C'est au sud de la puissante porte San Sebastiano, que démarre la via Appia Antica, la plus ancienne route consulaire. C'est par cette voie, que les légions victorieuses revenaient triomphalement à Rome.

Après de longs méandres en bus, nous partons de la Villa dei Quitili pour remonter vers le nord quand surgissent un troupeau de chèvres et ses bergers…


(…) mais la voie Appia est moins rude aux marcheurs paresseux. Là, l’eau étant fort mauvaise, je tins rigueur à mon estomac et je regardai avec impatience mes compagnons souper. Déjà la nuit se préparait à couvrir la terre de ses ombres et à répandre les étoiles dans le ciel. (…)

Satire V par Horace (traduction : Leconte de Lisle)

Nous cheminons sur la voie rectiligne, étroite, bordée ici et là des ruines de monuments funéraires en marbre. Sur les dalles, taillées dans la lave basaltique, nous apercevons les ornières creusées par les roues des chars, des carrioles qui l'ont empruntée durant des siècles…



Saint-Paul-hors-les-Murs

La petite basilique que fit cons-truire Constantin (consacrée en 324) , transformée et agrandie par Valentinien et Théodose, fut longtemps la plus grande de Rome — voire la plus belle — jusqu'à la construction de la nouvelle basilique Saint-Pierre.

Presque totalement détruite par un incendie en 1823. Celle que nous découvrons aujourd'hui — le plan initial a été conservé — est grandiose. 




Et l'intérieur remarquable : une nef centrale flanquée de quatre nefs latérales séparées par quatre-vingts puissantes colonnes de granit.

Levons le nez : tout autour de l'église, courent 266 médaillons en mosaïque : les portraits des 266 papes…

Il reste un certain nombre de médaillons vides : c'est pour accueillir les futurs papes… Symboliquement, il aurait été inconcevable de ne pas leur prévoir des emplacements : la fin des papes signifiant la fin de la chrétienté !

Hors du temps…

Quelle heure est-il à la sortie de la « forêt de colonnes » ? Nous avons oublié le temps… C’est dimanche… L’heure est bleue, les mouettes griffent le ciel, la mer est proche, le touriste paresseux, les enfants jouent sur l’esplanade…

Hors les murs : loin des voitures, nos pas nous guident jusqu’à la pyramide de Caius Cestius en effleurant l'enceinte du cimetière protestant.

Devant nous, un jeune couple collé à une minuscule ouverture… Concentrés, complices, recueillis… Ils s'en vont, nous prenons leur place : les tombes de John Keats et de Percy Bysshe Shelley sont là dans l'herbe printanière…