vendredi 5 décembre 2014

Venise (10) : San Michele


L'île-cimetière de Venise

Depuis l'embarcadère Fondamenta Nove, au nord de la ville, on aperçoit cette île flottante d'où surgissent les têtes sombres des cyprès derrière son mur d'enceinte de terre brune.

Étonnante île de la lagune à quelques minutes de vaporetto. San Michele est le seul cimetière au monde où les morts accèdent par bateau. Autrefois, la gondole funéraire glissait sur l'eau dans une atmosphère de recueillement, le prêtre debout derrière le gondolier. Nous vous invitons à aller la découvrir…


Un des premiers soirs à Venise, tout en flânant au couchant le long des zattere (larges quais), face à l'île de la Giudecca, nous découvrons une plaque commémorative indiquant que le poète russe Joseph Brodsky avait vécu dans une maison riveraine.

Celui-ci, prix Nobel de littérature en 1987, est enterré au cimetière de San Michele. On peut y voir aussi les tombes du poète nord américain Erza Pound, du créateur des ballets russes Serge de Diaghilev et du compositeur Igor Stravinski.

Pour cela, il est préférable de s'y rendre le matin ou en début d'après midi, ce cimetière marin ferme à 16 h 30 ! C'est au pas de course que nous avons cavalé entre les tombes de crainte de passer la nuit en compagnie des fantômes célèbres ou inconnus de San Michele…
Passent les nuages

« Passent les nuages, les nuages passent et meurent. »

Ainsi chantent les enfants et les branches noires murmurent,
les voix volent effarouchées, entre les fûts
obscurs vers la nuit prochaine, sans retour.

Les feuilles humides volent vers le vent, jaillissent
des buissons, s'enfuient, comme un appel venu de l'automne lointain.
« Passent les nuages… » chantent la nuit les enfants de la nuit.
De l'herbe aux sommets, le monde n'est plus que battement,
tremblement de la voix.

Quand passent les nuages, passe et s'envole la vie.
Nous portons en nous notre mort, nuages
gonflés de voix et d'amour entre les branches noires.
« Passent les nuages… » les enfants chantent le monde.

Passent les nuages, passent les nuages au-dessus des taillis.
Quelque part l'eau fuit, il suffit de chanter
et de pleurer le long des clôtures de l'automne,
de regarder toujours plus haut, de sangloter sans fin,
d'être un enfant de la nuit,
de regarder toujours plus haut, de chanter et de pleurer, 
d'ignorer les larmes.

Joseph Brodsky
Collines et autres poèmes 

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