lundi 31 mars 2014

Aimer, boire et chanter : un film jubilatoire !


À voir : l'ultime film d'un gamin de plus de 90 ans !

Il faut voir comment Alain Resnais s'amuse à brouiller les pistes dans un décor de carton-pâte où la pelouse est synthétique et où l'histoire s'organise autour d'un absent… omniprésent dans les conversations et qui, en coulisse, tire les ficelles !

L'inconnu va bientôt mourir : tous s'organisent pour rendre ses derniers mois moins pénibles. Mais le moribond a de la ressource, devient le chéri de ces dames dans un enchaînement de quiproquos dignes d'une comédie de boulevard sans le claquement des portes !

Mais chez Resnais, le vaudeville est plus profond qu'il n'y paraît, plus grinçant, plus absurde aussi avec quelques digressions surréalistes : étonnant cette taupe en peluche qui sort de son trou pour ricaner du spectacle de ces drôles d'humains.

Nous avons adoré cette variation ludique de ce jeune homme de 91 ans, la dernière fantaisie d'un homme joyeux dans un monde où la joie se fait rare !

(librement inspiré de l'article de Samuel Douhaire dans Télérama n° 3350)

Nous vous invitons à voir ou revoir On connaît la chanson (2001) :  1 H 57 de pur bonheur !

vendredi 28 mars 2014

Un spectacle existentiel avec François Morel


La fin du monde est pour dimanche

Mettons la jolie nappe blanche
Les fleurs coupées
Le vin au frais
Allons déjeuner sous les branches
Ça va tomber par où ça penche
La fin du monde est pour dimanche

S'imaginer encore un peu
Presque éternel
Presque immortel
Juste avant de se dire adieu
Ça va tomber par où ça penche
La fin du monde est pour dimanche
François Morel

lundi 24 mars 2014

Le Printemps des poètes au Pavillon de la Gare


Ce soir là…

… Laure, Jane, Marguerite, Sylvette, Dany, Raoul, Rémi nous ont rejoints au Pavillon de la Gare afin de partager des textes choisis autour d'un joyeux buffet, agrémentés de quelques notes de harpe, clarinette, oudou…


ça bavarde les choses
faut pas croire
faut écouter leur mutisme bavard
se taire
pas parler dessus
non seulement se taire et les écouter
ça s'agite dans le souterrain des fossoyeurs
ça cause partout
c'est secret bien sûr
ça parle une langue qu'on ne comprend pas
qu'on ne comprend plus
mais on saisit des bribes parfois
quand on se tait
ça rentre pas par les oreilles de la tête
ça rentre par ailleurs
par le corps
par les pieds
par les doigts
faut se taire et écouter ce murmure
ça parle doucement
comme avec un mouchoir dans la bouche
ou un chiffon sur les lèvres
ça crie pas
ça murmure
mais ça s'entend dans le silence
il faut attendre
attendre parfois longtemps
guetter
ne rien faire
se rendre disponible
scruter
s'enfouir dans ce tout
redevenir une partie de ce tout
de silence
alors on entend le murmure mystérieux des choses que le bruit barbare recouvrait
alors tout redevient harmonieux
les statues marchent
la nature bavarde
les masques sourient
et le secret apparaît dans son évidence même
à celui qui s'offre
à l'accueillir dans l'atelier du regard silencieux
le tissu du monde recousu
ressuscite et délivre sa parole fossoyée
Francis Ricard

vendredi 21 mars 2014

Le Printemps des poètes : la caravane de Ma'Ruf


Un conte des Mille et une nuits

Malou et Jane nous invitent à vivre d'un monde à un autre, les péripéties de Ma'Ruf dans un voyage hors du temps. Dans la ville du Caire, un souk, un roi, une princesse, un vizir, la mer, le désert et la caravane de Ma'Ruf…

Rêve ou réalité ?

… un soir, Schaharazad est arrivée. Schaharazad la fille du vizir, Schaharazad la rusée… Et pour sauver sa tête et celle des autres jeunes filles, elle a ouvert le cycle des Mille et Une Nuits… elle a conté cette histoire au roi Schahriar…

Ô roi du temps, voici l'histoire admirable et étonnante de Ma'Ruf et Fattoumah. C'était il y a longtemps dans la grande ville du Caire.

Ma'Ruf est savetier. Il a sa boutique dans le souk. Fattoumah régne sur la maison. Ma'Ruf rapporte la pitance, Fattoumah gére l'intendance.
Tous les jours, Ma'Ruf va à sa boutique, il déplie le cuir, taille, assemble,  coud, brode ses babouches. Les badauds passent et repassent, le regardent travailler, touchent les babouches, les essaient. Certains achètent, d'autres pas. Il y a les jours fastes et les jours pauvres…

Ce soir là, Ma'Ruf n'a rien vendu. Il a comme le matin, les mains vides dans les poches vides. Ma'Ruf ferme sa boutique,  va dans le souk, entre les étals, s'arrête devant la boutique du pâtissier. Ses yeux se posent sur une belle kénafa toute ruisselante de miel : 
« Elle est belle ma kénafa, n'est-ce pas Ma'Ruf ! C'est la dernière, je te la vends ! »
« Ah, je voudrais bien, c'est Fattoumah qui serait heureuse, mais je n'ai pas un dinar en poche. Allah, le grand Rétributeur n'a pas été généreux avec moi, aujourd'hui, je ne peux pas te la payer. »
« Ma'Ruf, si Fattoumah veut une part de kénafa, je vais te l'emballer, tu me la paieras plus tard quand Allah le miséricordieux sera plus généreux avec toi . Sache Ma'Ruf que cette kénafa n'est pas échevelée au miel d'abeilles mais au miel de canne à sucre ! D'ailleurs, tu verras, Fattoumah t'en dira des nouvelles ! »

Fattoumah le voit arriver des paquets plein les bras, elle lui ouvre grand la porte de la maison. Ma'Ruf entre. Il pose les paquets sur la natte. À genoux, au pied de Fattoumah il ouvre le paquet qui contient la kénafa, lui présente le gâteau. Il rencontre  le regard noir, la bouche amère. Fattoumah prend  la kénafa, lui lance à la figure : « Tu n'es qu'un misérable ! Tu croyais me tromper ! Tu croyais que je ne verrais pas que cette kénafa est échevelée au miel de canne à sucre ! » Elle prend  Ma'Ruf par le col, le jette dehors et claque la porte derrière lui. 

Le soleil avait passé la ligne d'horizon, la nuit était tombée. Ma'Ruf marche dans la rue, seul,  la kénafa dans les mains. Il marche, il mange, il marche, il mange, elle n'est pas si mauvaise que ça cette kénafa ! il marche dans les ruelles, dans les venelles. De venelles en ruelles, il arrive au bord du Nil. Il longe le Nil, arrive au port. Des felouques entrent, des felouques sortent, toutes voiles dehors. Sur le quai un marinier crie : « J'ai besoin d'un marin pour faire la traversée. Qui est intéressé ?» Ma'Ruf se précipite, il monte dans la felouque. Debout au pied du grand mât, il regarde vers la mer. Il tourne le dos au Caire, à la mégère, à la misère. Cette nuit là, Ma’Ruf met les voiles.


Une nuit, en pleine mer, un vent violent fouette la felouque. Les vagues cognent contre la coque. Le bateau est ballotté de vague en vague. De creux en crêtes, de crêtes en creux, la felouque se retourne, la coque se brise, l'équipage se noie.

Le vent se pose, la mer se calme, les débris de la felouque resurgissent, Ma' Ruf réapparait, agrippé à un morceau du grand mât. Il se laisse porter. Le soleil rosit l'horizon, découvre une terre. Ma'Ruf nage nage, nage vers la terre. Il met les pieds sur la grève, il est  presque nu, habillé d'algues et d'écume de mer. Il s'effondre, il s'endort. 

Un homme arrive, richement habillé, monté sur un âne,  accompagné de deux mamelouks : « Dis-moi, qui es-tu ? D'où est-ce que tu viens ? Dans l'état où tu es, qu'est-ce qui s'est passé, qu'est-ce que tu viens chercher par ici ? »  Et Ma'Ruf raconte à Ali, un riche marchand, Le Caire, le souk, la misère, la mégère, comment il a pris la mer, la tempête… « Eh bien Ma'Ruf, je vais pouvoir faire aujourd'hui pour toi, ce qu'il y a longtemps déjà, un autre a fait pour moi ! Voilà comment on va s'y prendre. Je vais te donner de beaux habits, de l'argent, un âne… ».

Le lendemain, Ma'Ruf, dans les beaux habits d'Ali, de l'argent plein les poches, sur son âne suit les mamelouks vers le souk… De commerçants à clients, de clients à commerçants, de bouches à oreilles, d’oreilles à bouches, l’histoire de l’étranger est arrivée aux oreilles du roi.

« La paix sur toi étranger ! Tu es donc ce riche commerçant qui fait halte dans notre ville ! Tu attends dit-on une caravane de marchandises précieuses. Est-ce vrai ? Et Ma'Ruf raconte ses voyages en Afrique, le commerce des pierres précieuses, des diamants de l'or, de l'argent. Ses voyages en Inde, en Chine, le commerce des tissus précieux, des pièces de joaillerie, d'orfèvrerie…

« Ma'Ruf, ton trésor est donc si grand ! Sache que moi aussi je possède un joyau, inestimable, unique au monde.  Celui-là tu ne le possèdes pas et je vais te l’offrir, toi seul peut en apprécier la valeur. Je te donne ma fille en mariage et tu seras Roi après moi ! »
« Sire, c’est un immense honneur, je ne le refuse pas mais attendons l’arrivée de ma caravane. Sans elle je ne pourrai pas dérouler le soir des noces aux pieds de la princesse, la rivière de diamants que je voudrais y voir briller… »
Le mariage est celé. Ma'Ruf pouvait maintenant rencontrer la Princesse. Pour Ma'Ruf c'était l’instant crucial, le moment de lever le voile, d’entrer dans la chambre nuptiale. Ce soir-là, Ma'Ruf est à genoux au pied de la moustiquaire, le front à terre, nu comme un ver,  les mains sur le voile, il marmonne dans sa moustache. La Princesse est  derrière le voile, assise sur le lit, elle regarde Ma'Ruf.

« Ma'Ruf, qu’est-ce que tu attends ? Tu as peur ? Je ne te plais pas ? »
« Oh si Princesse, je ne demande que ça mais c'est la faute à ton père aussi. Il n’a pas voulu attendre l’arrivée de ma caravane et je ne peux pas déposer à tes pieds la rivière de diamants que je voudrais y voir briller. »
« Ma'Ruf, qu’est-ce que j’ai à faire d’une rivière de diamants, c’est toi que je veux, viens et délectons-nous ensemble ! »

Ma'Ruf soulève le voile, bondit sur le lit, enlace la Princesse, l’embrasse… ils roulent sur la couche. Sur le lit, c'est une joyeuse mêlée… s’élèvent des soupirs, des gémissements de plaisir. La lumière de la lune sur la moustiquaire montre un ballet d’ombres incessant et dans la musique des corps et des voix, la nuit passe délicieusement.
Aux premières lueurs du jour, Ma'Ruf a rejoint le roi au Diwan. Chaque jour qui passe, il continue  de donner généreusement de l’argent aux pauvres, aux miséreux, aux indigents. Le vizir toujours sur ses traces, tient les comptes.
« Sire, regardez dans quel état cet homme met notre état ! le trésor est bientôt vide. Quand les notables vont voir, que le peuple va savoir, il va se révolter et vous aurez la tête tranchée, voilà ce qui va vous arriver.  Les jours passent, la caravane n’arrive pas ! Il faut faire quelque chose ! »
( à suivre)

D'après Les Mille et Une Nuits
Contes traduits par Joseph Charles Mardrus
Bouquins / Robert Laffont

Dans le cadre de l'exposition Dans le bruissement des mots de Aïdée Bernard
Alors, cette caravane, rêve ou réalité ?
La suite avec Malou & Jane, un soir ou une nuit, auprès de la cheminée,
ou sous la tente dans le désert !

vendredi 14 mars 2014

Un Don Quichotte jubilatoire !

Un vide grenier pour décor…

Le Groupe Anamorphose nous a offert un sacré Don Quichotte.

Dans un décor de vieux livres, de peluches, d'objets religieux, de petits meubles, de bibelots divers… imaginez Don Quichotte paré d'ustensiles de cuisine, armé d'un goupillon de ramoneur et d'un bâton de ski, accompagné d'un Sancho Pancha rondouillard en saroual…  Tous deux nous emmènent dans un ballet fou d'où surgissent les figures imaginaires nées de l'esprit fantasque de ce fou vieillissant mais résistant à la fatalité, à l'âge, à la bêtise, à l'échec, à ce monde décidé à lui remettre sans cesse les pieds sur terre et le nez dans la poussière ! Un pur régal ! À voir !

dimanche 9 mars 2014

Le Printemps des poètes : Au cœur des arts




BLEU KLEIN


Un jour tu es entré dans le bleu
comme on pénètre dans la vraie vie
tu es entré dans le bleu
tu as fait le pari de l’immensité
et ce fut comme un sésame
un passage sur l’autre versant du miroir
ce ciel qui emplissait tout
la respiration des galaxies
la cadence des univers
le souffle magnétique de la Grande Ourse




un jour tu es entré dans le bleu

pour n’en plus jamais revenir

ce bleu ardent électrique
invulnérable
tu t’es plongé dans un bain d’indigo
au centre de l’horizon
pour voir tout en bleu
ligne de ciel
ligne de coeur
pour te faire la belle
la belle bleue
avec tes pinceaux vivants
l’intensité l’intensité l’intensité
pour devenir bleu d’émotion
découvrir ce lâcher de ballons bleus




au fond du cœur
ce saut dans la poésie
où la création recommence
à chaque instant
où l’éternité a la grâce des funambules
une énergie capable de forcer la pesanteur
une vie vouée au judo du bleu
une fête de l’infini
pour les marcheurs d’aurores


ZÉNO BIANU