vendredi 28 février 2014

Rêve ou réalité (1)


La maison de vos rêves

Bientôt trois mois qu’elle vient chaque lundi, le matin de préférence. Je la reçois dans mon bureau, confortablement installé dans un fauteuil IKEA blanc, mon carnet de notes posé sur les genoux, le dictaphone au garde-à-vous à ma droite sur la table basse.

Avant son arrivée, vers neuf heures trente, je relis mes notes et écoute quelques extraits de ses désirs. Ceux-ci sont classés pièce par pièce en trois colonnes selon ses couleurs préférées. Je n’ai gardé que ceux cités au moins trois fois depuis le début de nos entretiens.

C’est un ami qui me l’a envoyée — dis-moi, Bob, je sais que tu es très sollicité mais voilà : Lisa, une amie de longue date, vient d’acheter une vieille demeure en Bretagne — LA maison de mes rêves — m’a-t-elle déclaré avec joie. De passage chez nous l’été dernier, elle a a-do-ré la déco et m’a bien sûr demandé qui était l’auteur de cette harmonie de couleurs, d’étoffes, de cet univers enchanteur à ses yeux… —. Et voici pourquoi je reçois régulièrement Lisa au bureau de mon agence.

Dès le premier contact, j’ai senti chez elle une sensibilité extrême, une gourmandise raffinée, affichée dans le choix de sa tenue. Je me souviens du rouge capucine de son étole jetée avec élégance sur l’épaule en écho au vernis de ses ongles…

Lisa — j’appelle assez vite mes clients par leur prénom s’ils acceptent, une proximité qui peut favoriser le choix parfois difficile, délicat d’un tissus, d’un bibelot — quelles sont vos trois couleurs préférées ? Le vert, le gris et le turquoise, m’a-t-elle répondu lentement mais d’une voix claire. Bien, je vous propose de dessiner peu à peu le décor de votre maison, celle de vos rêves, à partir de ces trois couleurs.

Ont suivi plusieurs voyages jusqu’à Songe, minuscule port de pêche niché au creux d’un des abers de la côte du même nom. Ensuite, pièce par pièce, séance après séance, elle a décrit le décor rêvé, celui que nous allons élaborer ensemble. Huit heures vingt, assis au bureau, je relis à l’écran les dernières notes que Lisa m’a envoyées dans la semaine à la suite du dernier entretien…

… j’entre dans un vaste hall carré aux murs ivoire ou coquille d’œuf… une pâleur orangée tombe d’un puits de lumière… j’avance pieds nus sur un sol de marbre vert de mer… j’apprécie la dureté de la pierre, je glisse sur la chevelure des algues, je prolonge la caresse de l'onde… à l’agonie du jour je veux danser avec les orangers du couchant…

… je m’abandonne dans le seul fauteuil turquoise du salon… les pieds cachés dans le sable chaud… face à la baie béante ouverte face au large… où des voilages couleurs goélands s’effilochent sans fin… je veux écouter à l’infini les refrains turquoises de l’océan Iroise si proche, si lointain… 
… je m’étends sur une couche émeraude de l’unique chambre aux murs de nuages bleutés… sous un ciel percé d’étoiles… bercée par le seul souffle des pages des livres innombrables… ces livres, je veux les voir feuilleter par des hirondelles vert/bouteille… nichées dans des étagères de rayons de lune…

… au réveil, quand le gris perle du matin a effacé les étoiles les plus paresseuses, quand je pose les pieds sur des tapis d’ailes de papillon jaune capucine, quand je cherche la cuisine…

Neuf heures trente. Elle ne va pas tarder… Je souhaite que le projet idéal aboutisse aujourd’hui. J’ai relu toutes mes notes ce week-end, j’ai repassé tous les enregistrements, choisi de nouveaux échantillons, cherché de nouvelles nuances de vert, de gris, de turquoise, refait toutes les esquisses couleurs de rêve, le rêve de Lisa…

Dix heures, elle n’est pas arrivée… Étrange, elle est toujours ponctuelle… 


jeanPaul  coLomb

lundi 24 février 2014

Patrice Chéreau

Farouchement libre…

« Je n'aimerais pas qu'une rue ou un théâtre portent mon nom… »
ainsi parlait Patrice Chéreau quelques jours avant sa mort le 7 octobre 2013.

Je reviens aujourd'hui sur la disparition cet artiste exceptionnel (le 7 octobre nous avions la tête dans les cartons au portillon du Pavillon de la Gare).

J'ai connu l'immense bonheur d'être présent au Festival d'Avignon en 1988 — l'été Chéreau — des moments inoubliables :

Hamlet de Shakespeare avec Gérard Desarthe, Robin Renucci, Marthe Keller, Pascal Greggory… dans la Cour d'Honneur du Palais des papes toute occupée par l'installation en strates de Richard Peduzzi…

Dans la solitude des champs de coton (je découvrais les textes de Bernard-Marie Koltès) avec Laurent Malet et Patrice Chéreau (photo) en dealer lamentable et magnifique dans un espace bi-frontal, comme sur un ring ! 

Pour ces moments de pure beauté, pour La chaire de l'orchidée, L'homme blessé, La Reine Margot, Ceux qui m'aiment prendront le train, Intimité
Merci l'Artiste !

vendredi 14 février 2014

Saint Valentin en Saintonge

« Le vent se lève — Deux papillons virevoltent — La valse de l'Amour »

Un jour………    sur le fil d'éternité………    j'ai rencontré………

Joie vive
          Eau qui court
               Âme légère
                    Nulle entrave mais l'Arc-en-Ciel

Papyllon — Palette
Ailes colorées déployées
Unisson pourpré
Lumière fragmentée

Et les chemins-torsades se déroulent
Et les jours rient
Et la nature chante
En ton cœur contenant TOUT
Malou

mercredi 5 février 2014

Folle Journée à Nantes : des Canyons aux Étoiles


C'est parti pour trois jours fous !

Tout a commencé brusquement vendredi peu avant midi,


il a saisi mon vieux cuir assoupi dans le couloir,


m'a plié en deux et tassé au-dessus du sac à dos…


Il a verrouillé le Pavillon de la Gare, marché un instant,


le train est arrivé, il est monté, c'est parti…


Rochefort, La Rochelle, Luçon, La Roche-sur-Yon, Nantes…


Transfert jusqu'à chez Caroline où j'ai retrouvé le jour,

il m'a déplié pour déposer dans mon ventre


une bouteille d'eau et un parapluie, m'a hissé sur son dos ;


nous voici partis pour un marathon musical de trois jours !


Arrivés devant la Cité des congrès, j'ai compris :


je suis son vieux sac fidèle depuis des années,


aussi je me souviens de la plupart de ses festivals :


Avignon, Arles, Saint-Malo, Marciac, Vienne, Chaumont…

… et la Folle Journée à Nantes, je connais !

Il a dû m'y traîner maintes fois depuis 1997 !


Schubert, Bach, Mozart, Chopin, Beethoven, Brahms, Ravel…


Pour la 20e édition, René Martin, le directeur artistique


a choisi des compositeurs exclusivement du XXe siècle,

des États-Unis, connus et méconnus, de Gerschwin à Barber,


et aussi Glass, Bernstein, Copland, Korngold, Ellington, Crumb…


Près de 300 concerts, du piano solo à l'orchestre philharmonique.


Lui, je sais qu'il préfère les petites salles (80 à 200 places).

Aussi, ce vendredi, dès 19h, il m'a posé à ses pieds,


au premier rang ; je pouvais me voir dans le piano


avec lequel Laurent Wagschal nous a éblouis


avec Quatre excursions et des Ballades de Barber


avec Passacaglia de Copland, et Agu de Mellits


puis Trois études de Wild d'après Gershwin…


Et ce n'est que le début de ces trois jours de folie !

Il a enchaîné le soir même à 20 h 30 avec Bruce Brubaker 

et le lendemain matin à 9 h 30 au Lieu Unique ravissement total


avec The Köln Concert Part I de Keith Jarrett et Ragtimes de


Scott Joplin interprété par Andreï Korobeinikov magnifique et


drôle (photo 3)… Reprise à 22 h à LU avec le Big Band de


l'Université F. Chopin de Varsovie (photo 4)… Dimanche, dès 9 h,


Lidija et Sanja Bizjak l'ont complètement ravi, il a jubilé avec les


Danses symphoniques de West Side Story de Bernstein et les


Souvenirs de Barber, les Études pour piano mécanique…


Mais la Folle Journée, c'est aussi la folle ambiance autour du kiosque (photos 2 et 5) : Barbara Hendricks, le Crossroads Quartet


avec leur style "babershop", des Big Band, des quatuors, des octuors, des cuivres, des cordes, des musiques pour tous…


Lundi, il m'a reposé dans le couloir du Pavillon de la Gare ; je parie qu'il a déjà envie d'y retourner… avec Malou  !