mardi 19 juillet 2016

Ouessant (3)




Les moutons d'Ouessant


À l'est, aux abords de la baie de Béninou, l'on devine tout près du rivage la coque du Mykonos. Les moutons que chargeait ce caboteur grec se jetèrent à la mer comme il advint aux moutons de Panurge, mais cette fois sans se noyer, bien décidés tous à profiter du restant de leur vie.

Leur supériorité génétique a chamboulé le cheptel indigène et le mouton noir qui s'associait aux images d'Ouessant disparut en trente années presque totalement.

Henri Queffélec
Les îles bretonnes




Vivre à Ouessant

L'île se dépeuple. Les visiteurs sont une foule, mais ils passent. Six, sept cents habitants l'hiver (2953 hab en 1911, 877 hab en 2013). La terre d'un plateau qu'on ne travaille plus s'étiole. Personne cependant n'a le droit ni le devoir de désespérer. Dans un environnement qui marie sans cesse la douceur et la tragédie, Ouessant continue d'enseigner le sang-froid et le bonheur de vivre.

Ibid. 



Qui voit Ouessant
voit son sang ?

Il prend conscience de l'énergie qui le porte. Les séminaires, les congrès et autres rencontres scientifiques et culturelles qui choisissent de plus en plus Ouessant, ne serait-ce que pour une journée, ne dénaturent pas une mission ouessantine. On y étudie mieux les oiseaux, les phares, l'unité cosmique.

Une Biosphère.

Ibid.


Tous les rivages de l'île mériteraient qu'on les longe par le sentier de côte. Aucune des quatre pointes rudes, Perne, Cadoran, Arland, Feunten Velon, qui valent à Ouessant le dessin d'une poche placentaire de seiche, ne doit être omise. Les visiteurs manifestent un sérieux faible pour le secteur qui va de la pointe de Perne au détroit de l'île Keller, et nous n'avons pas le cœur de les reprendre. Servie par la violence personnelle du décor — champs rétifs, grèves hirsutes et sillons de galets peuplés de courlis et de huîtriers, combats de rouleaux glauques et neigeux, fracas de gerbes — la plus belle collection bretonne de rocs nus, lentement et sauvagement sculptés par les agents d'érosion, s'y contemple sous le ciel…
Ibid.
Elle se dresse ou s'étale à même le bord du rivage et jusque dans la mer, en plein sous le matraquage des gigantesques lames, ou elle se tient en haut retrait du flot sur la dune, blocs monstrueux en réserve de massacre.
Natura faber. Les éléments aussi sont des artisans.
Il faut explorer les abords des gouffres que le phare du Créac'h surplombe. Fût-ce par temps calme, des lames de fond y explosent vraiment, sautant avec une souplesse de ballerines (…).

Ouessant n'est pas une station balnéaire touristique. Il reste pour ses habitants le lieu d'une chaude communauté. Ses visiteurs y découvrent, sur les marches océanes de l'Occident, une fascinante approche du monde élémentaire. La culture intellectuelle et le rêve se nourrissent de lui…
Ibid.



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